« Un poulet, franchement, on s’en fout là, voyons! ». « Un poisson! Franchement! ». La majorité d’entre nous avons déjà eu ces réflexions, moi le premier. Nous avons une liste inconsciente d’animaux en ordre décroissant, un genre de système de pointage inconscient de compassion et de « considération de base » Ce « pointage inconscient » est influencé par les documentaires que nous avons vus du genre « National Geographic », surtout quand nous étions enfants, le niveau de « mignon » de l’animal, notre environnement social (famille, etc.) et par notre consommation personnelle de ce type d’individu ou du fruit de son exploitation. Ainsi, nous avons peu ou pas du tout de considération pour les cochons, vaches, poules, poissons et autres, car nous retirons du plaisir à les consommer, ce qui nécessite de les exploiter et de les tuer. Nous semblons tout à fait à l’aise à matraquer un coyote à mort pendant qu’il crie de terreur ou à électrocuter de façon anale un renard pour des cols de manteaux et des pompons ou écorcher vif des lapin, mais nous trouverions ça « épouvantable » de faire la même chose à un chien… un chien, qui est à toutes fins pratiques IDENTIQUE à un coyote ou un renard (famille des canidés). On peut concevoir que ce système de pointage soit « nécessaire », sans quoi nous serions paralysés et dysfonctionnels. Ainsi, nous ne dépensons pas une quantité astronomique de ressources sociales et économiques pour éviter de tuer les moustiques avec nos voitures, nos infrastructures, et ainsi de suite. C’est de la mort et de la souffrance très difficilement évitable. Nous ne faisons tout de même pas exprès de frapper des animaux sur le bord des routes quand c’est possible de les éviter, et ce n’est pas seulement pour éviter des dommages à la voiture : notre réflexe naturel est un respect de base des individus, dans la mesure du possible L’évitement du « sujet » Étrangement, dans les débats sur les « droits des animaux », on tombe très vite dans TOUS les « cas spéciaux » imaginables : les insectes et souris et marmottes des champs, les moustiques qui nous piquent, les loups et grizzlys qui pourraient nous attaquer dans des contextes d’une rareté ridicule et qu’on devrait alors tuer, les animaux que les tribus d’Amazonie ou du Nord canadien doivent tuer, nos ancêtres, ce que nous ferions sur une île déserte et si une grande glaciation survenait, la souffrance des plantes, etc. C’est sans fin. SANS. FIN. On passe tout le temps sur le petit trou minuscule qui laisse passer une goutte d’eau de temps en temps pour éviter de parler du tuyau d’un mètre de diamètre qui décharge les égouts de la ville directement dans le salon. Cette quête de « perfection extrême » est une autre forme de fuite et de déni : en s’éternisant sur tous les menus détails, on cherche à éviter de parler des victimes évidentes et totalement évitables à chaque année ici même au Québec qui sont dans l’immense majorité des cas dans un enfer inimaginable : 7 millions de cochons, 500 000 bovins, 280 millions de poules et autres oiseaux, et tant d’autres, sans compter les individus que nous payons aux exploiteurs d’autres pays pour exploiter et tuer des animaux afin d’en consommer les « produits finaux ». Ça, c’est le tuyau d’un mètre. Pis on jase du trou de 1 millimètre dans le mur du garage… On parle des quelques milliers d’animaux (sur plus de 300 millions par année) « bien traités et tués gentiment » (??!!), tout en évitant de voir que 99% sont en enfer, en évitant de reconnaître que tout ce système n’est pas « réformable », et que ces individus « tués gentiment » le sont encore une fois pour des raisons aussi superficielles que la Corrida, les combats de chiens, ou la « chasse de trophées » d’éléphants : ils sont tués pour en retirer du plaisir alors que c’est parfaitement évitable. Quand on pense en termes conceptuels et abstraits, on peut tout faire et justifier. L’abstrait rend « sans cœur ». Parfois c’est une bonne chose, puisque parfois il faut faire quelque chose de « déchirant » et/ou « impopulaire » par pure rationalité et logique dans des contextes extrêmes et rares. C’est le cas des guerres, qui, parfois, sont en effet inévitables, ainsi que d’autres contextes souvent spécifiques à la politique. Il est cependant plus difficile de justifier des atrocités, de la mort et de la souffrance planifiées, organisées et évitables. Ici aussi, on tombe dans la fuite : « mais qu’est-ce qui est « évitable », après tout? ». La réponse est pourtant évidente : l’exploitation et la tuerie planifiée et organisée d’animaux est « évitable »! Le « tuyau de 1 mètre qui déverse dans le salon ». Tsé. Ceci couvre tous les animaux pris dans les prisons que nous appelons des « fermes », tous les animaux dont nous contrôlons la reproduction, tous les animaux que nous décidons d’aller tuer dans la nature alors que ce n’est pas une nécessité, tous les animaux que nous exploitons pour les « loisirs et amusements », tous les animaux de « vêtements » : col de fourrure, duvet, laine, et la majorité des animaux pris dans l’enfer des « tests sur les animaux », puisque nous avons maintenant les moyens d’en éviter au moins 90%. Donc pour faire court, on pourrait déjà au moins parler honnêtement du tuyau de 1 mètre de diamètre qui déverse sans relâche dans le salon : bouffe, vêtements, « loisirs et amusements », et la majorité des « tests sur les animaux »… Tout ceci est « raisonnablement évitable », car nous DÉPENSONS des ressources économiques et sociales considérables pour le faire, et dans le processus nous détruisons, polluons et consommons une quantité astronomique de ressources… Nous avons tout un système organisé d’exploitation et de tuerie et nous parlons d’insectes et de mille et un cas spéciaux sans fin… ne trouvez-vous pas ça un peu ridicule? C’est du déni. De l’évitement du sujet de fond. Parlons au moins des vraies affaires : les animaux que nous mettons au monde dans le but explicite de les exploiter et tuer alors qu’on peut très bien s’en passer. Ce serait déjà un bon début : parler de l’esclavage des animaux. Se mettre à la place de « l’autre » Mettre au monde dans le but d'exploiter et enlever la vie ne peut pas se justifier par les préférences, le goût, les habitudes et autres. Enlever la vie de façon délibérée alors que ce n’est pas nécessaire n’est pas justifiable. Qu'aimerions-nous que les gens fassent et disent pour NOUS si NOUS étions ces individus pris dans cet enfer? La réponse à cette question dit tout. Ceci ne veut PAS dire que nous devions trouver que « un humain et un canard c’est la même chose » : ça aussi, c’est une forme d’évitement du sujet. Nous devons seulement reconnaître que nous CRÉONS « exprès » de la tuerie organisée et planifiée… Oui, nous "avons toujours fait ça". Non, "les animaux ne sont pas des humains". Et alors? Est-ce une raison pour les massacrer sans retenue? Nous sommes TRES puissants. La puissance justifie l'oppression? Donc les hommes blancs étaient justifiés de faire ce qu'ils faisaient aux femmes, aux Noirs, aux gays, etc.? Nous sommes contre l'oppression jusqu'à ce que nous découvrions que nous sommes des oppresseurs? AH LÀ "c'est pas pareil"? Là l’oppression est OK? Quand on est l’oppresseur là c’est OK? Vraiment? La fuite infinie dans les justifications ne change rien à la réalité que nous pouvons collectivement mettre fin à l'esclavage des animaux dès maintenant, et c'est bien ce que nous aimerions que les autres fassent pour nous si NOUS étions du côté des opprimés et non du côté des oppresseurs. Environnementalisme, réductionnisme, et « bien-être animal » Nous sommes en ce moment dans une phase où le débat social sur l’exploitation animale a enlevé quelques couches de déni, ce qui a purgé les propos débiles et superficiels les plus primaires et immatures, mais il en reste encore plusieurs, dont 3 : l’environnementalisme, le « réductionnisme », et l’éternelle discussion sur le « bien-être animal », aussi appelé le « welfarisme ». L’environnement, c’est important. Il se trouve que la libération animale aurait dans l’ensemble des bénéfices considérables sur les systèmes naturels : moins de consommation d’eau, moins de pollution, moins de déforestation, moins de pressions sur les espèces sauvages, moins de tuerie de végétaux au total, des terres pouvant être retournées entièrement à la nature, etc. Les effets sont énormes. Mais ceci n’est PAS le « sujet »! Le sujet, c’est l’exploitation animale. Tant mieux que nous puissions avoir un effet net positif sur l’environnement en réalisant la libération animale, mais ce n’est pas ça le sujet, c’est un effet secondaire qui ne fait qu’ajouter à la puissance du message central. Le réductionnisme est aussi très en vogue, avec toute cette famille du genre « flexitarien » et autres : « je ne mange que du poisson et seulement une fois par semaine »; « je mange un poulet par semaine et c’est tout ». Il est vrai que pour ce qui est de l’environnement, plus on réduit, mieux c’est. De la même façon, bien que l’immense majorité des individus animaux exploités soient en enfer, on aime beaucoup tout ce qui est phrases vides de « bien pensance » politiquement correcte du genre « je suis contre le mauvais traitement des animaux, il faut les tuer sans cruauté », etc. Le « bien-être animal »… quels beaux mots… Je le sais : je suis tombé dans ce panneau moi-même dans ma vie non-végane! Avant de couper les victimes raisonnablement évitables de ma vie, j’étais rendu à acheter de la « viande bio et éthique » chère, achetée à un « gentil éleveur local ». La discussion de tout sauf la tuerie organisée des victimes sombre toujours dans le politiquement correct : l’environnement… aaaahhhhh, qui est « contre l’environnement »? La santé… aaahhhhh, qui est contre une meilleure santé? Le « bien-être animal »? BIEN SUR! TRES important… qui est POUR la souffrance et la terreur des animaux? TOUT, sauf LE sujet : les victimes... et surtout, l’individu… Cet individu « insignifiant » Qu’en est-il de cet individu mis au monde pour être tué dans le but de le transformer en « morceaux » dès l’atteinte du « plein poids »? Qu’en est-il de cette vache spécifique qu’on insémine de force à répétition et à qui on enlève les petits systématiquement afin d’avoir son lait et qui pleure sans fin pour ravoir son petit? Qu’en est-il de ces poules qui ont été sélectionnées et modifiées pour pondre 300 œufs par année au lieu de 12, ce qui stresse énormément leur pauvre corps surtaxé et épuisé? … et de tous ces individus qui, une fois rendus « inutiles », se feront trancher la gorge ou foutre une balle dans le front ou mis dans des chambres à gaz? Qu’en est-il de tous ces esclaves, de ces individus spécifiques? Leur univers intérieur, aussi inconnu pour nous soit-il et aussi « insignifiant » nous paraît-il? Qu’en est-il de leurs amis et familles? Cet individu « insignifiant ». Celui-là qui n’a pas de nom, que personne n’a connu personnellement, qui n’a même pas de « tag d’oreille » ou de cage minuscule assignée tellement il est « insignifiant »! Celui-là. On lui enlève la vie… On le prive de faire l’expérience de la vie. Si on me tuait « par surprise » d’une balle dans la tête, serait-ce cruel? Je ne souffrirais pas, pourtant. Il y a des éleveurs qui deviennent émotifs à propos d’UN de leurs animaux. Ils font « l’erreur du rapprochement ». Ils « voient l’individu »… et ils deviennent quasi incapables de les faire tuer par la suite. J’ai eu des conversations avec des gens comme ça pendant des Cubes de Vérité avec Anonymous for the Voiceless. Ils deviennent très émotifs. Ces animaux « préférés » deviennent comme leur chien. Mais pourquoi CELUI-LÀ a-t-il eu droit à la justice et la considération de base et pas les autres? Était-il vraiment « si spécial »? Oui, bien sûr, comme tous les individus. Il est unique. Un poisson est unique, croyez-le ou non. On a beau les attraper « à la tonne » dans d’énormes filets, chacun est un individu avec une personnalité spécifique. Oui oui, ne riez pas, je suis très sérieux. Plusieurs éleveurs ont soudainement « vu les individus ». Ces éleveurs dont plusieurs ont tués personnellement beaucoup d’individus animaux, ont séparés beaucoup de mères et leurs petits, ces éleveurs dont tout le revenu, le cercle social et l’identité tournaient autour de l’exploitation animale… sont maintenant activistes et véganes… ils ont « vu l’individu ». Ils voient les individus. Si NOUS étions cet « individu insignifiant », que ce soit un cochon, une vache, une poule ou un poisson ou n’importe quel autre… si NOUS étions celui-là, nous aimerions que ceux ou celles qui ont le pouvoir de vie ou de mort sur nous nous laissent continuer à faire l’expérience de la vie, surtout s’ils nous enlevaient la vie alors qu’ils avaient une option de ne pas le faire. Non? Voilà ce qu’est « voir l’individu ». Cet individu a une vie « insignifiante » pour vous, mais pas pour lui/elle : cet individu connaît une palette impressionnante d’émotions. BEAUCOUP PLUS que nous le croyons. Elle est LÀ, la « switch ». Celle qui fait que nous réalisons soudainement que nous sommes des oppresseurs de victimes sans voix, sans défense, paisibles, innocentes, et qui ne posent aucune « menace » sur notre sécurité nationale. Nous lui enlevons la vie, à celui-là, à cet individu spécifique, alors que nous trouverions ça injuste et cruel si on nous le faisait alors qu’une option de ne pas le faire se présentait à nos oppresseurs. Pourquoi nous insistons pour continuer à être des oppresseurs? Car nous résistons. Par fierté. Par peur du changement. Par habitude. Nous voulons continuer à garder ce « droit d’enlever la vie », comme un privilège de roi tout puissant. Une fois qu’on internalise vraiment que nous sommes les oppresseurs et que ce n’est pas nécessaire, une fois qu’on « voit l’individu » qui ne veut pas mourir, comme nous si nous étions à sa place… une fois que ceci arrive, on ne parle plus de « réductionnisme », de « bien-être et conditions de vie», « d’abattage éthique », « d’environnement » ou d’intelligence et de supériorité. On cesse de terroriser et tuer par nos choix. Parce qu’on a le choix. Point. Voir l’individu. Une fois que ça arrive. Une fois qu’on « comprend ». TOUT change. S’il y a UN SEUL documentaire que je recommande FORTEMENT, dans toute la liste ci-dessous, c’est « Royaume Pacifique » : d’anciens exploiteurs d’animaux parlent de la période de leur vie pendant laquelle ils et elles ont ouverts les yeux à l’individu. Regardez-le, svp. De la première seconde à la dernière. Les témoignages sont PUISSANTS. Sautez les quelques passages difficiles à voir si vous voulez en fermant les yeux, mais écoutez les témoignages des anciens exploiteurs d’animaux maintenant activistes véganes… Bonne réflexion… Pascal Bédard lechoixv@gmail.com Documentaires et vidéos suggérés : Royaume Pacifique The Game Changers Forks Over Knives Cowspiracy What You Eat Matters Dominion Earthlings Dairy is Scary What’s Wrong With Eggs? The Cruelty Behind Our Clothing Fonctionnement normal d’un abattoir de vaches / bœufs Abattage propre, éthique et sans « cruauté excessive » (la cruauté excessive est fréquente) Conditions de vie typiques des porcs du Québec
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